Le Japon va augmenter les prix pour les touristes ?
Face à l’afflux de touristes au Japon, qui profitent de la faiblesse de la devise du pays, certains estiment qu’il est temps d’augmenter les prix pour les visiteurs. Personne ne peut nier que le nombre de touristes qui visitent le Japon ne cesse d’augmenter ce qui a conduit certaines entreprises japonaises à augmenter le prix de leurs services, entraînant donc une hausse des prix non seulement pour les touristes mais aussi pour les habitants à court d’argent.
En raison de cette disparité, certains se demandent si les entreprises ne devraient pas mettre en place une tarification distincte pour les touristes. Bien que l’idée soit soutenue par le public, certains commerçants ne sont pas prêts à adopter cette mesure.
- Est-ce vrai que la faiblesse du yen fait du Japon une destination de choix ?
La culture unique et la beauté naturelle du Japon ont fait du pays un pôle d’attraction touristique populaire avant même que la plupart des pays n’interdisent les voyages en 2020 pour protéger la santé publique, le désir de voyager au Japon n’est donc pas un phénomène nouveau.
Le retour en force du tourisme s’est ensuite fait sentir, car davantage de personnes visitent le Japon aujourd’hui qu’à l’apogée du tourisme en 2019, année qui avait déjà vu le pays établir des chiffres records. Le nombre de voyageurs en provenance de Corée du Sud, en particulier, n’a jamais été aussi élevé et selon de nombreux voyageurs coréens, le Japon est la meilleure offre de voyage du point de vue du rapport qualité-prix.
La faiblesse du yen constitue un autre facteur. Les travailleurs japonais ont plus de mal à rentabiliser leur argent à l’étranger à cause de la politique de la Banque du Japon consistant à maintenir une monnaie faible, ce qui n’est pas le cas pour les touristes étrangers, qui trouvent que leurs devises en particulier le dollar valent très cher.
Cette situation amène donc certains à se demander si les entreprises locales ne devraient pas augmenter leurs prix car de nombreuses entreprises japonaises luttent pour rester à flot en raison de la hausse des prix. Et comme en témoignent les prix appliqués dans la station de ski populaire de Niseko, les touristes ne semblent pas s’inquiéter de payer plus cher que les locaux. ( À vrai dire, la plupart d’entre eux n’en ont probablement même pas conscience).
- La hausse des prix affecte négativement les populations locales
Dans certains lieux touristiques très fréquentés, les prix pratiqués par les commerçants sont d’ores et déjà élevés. Selon la chaîne NTV, un magasin de Tsukiji, le célèbre marché aux fruits de mer du Japon, vend un bol de ramen aux fruits de mer à 5 500 yens soit 37 USD ce qui ne pose aucun problème à un étranger mais qui n’est pratiquement pas possible pour des Japonais, qu’ils soient citoyens ou résidents car ils ont l’habitude de payer les ramen à moins de 1 000 yens soit 6,71 USD. Trois touristes japonais en visite à Tokyo, interrogés sur la possibilité de payer 5 000 yens pour des ramen, ont catégoriquement répondu non dont l’un d’eux a ajouté « Nous n’avons pas cette somme ».
Il s’agit là d’un véritable problème car les lieux touristiques ne sont pas seulement des lieux touristiques mais aussi des lieux de travail et de vie. En augmentant les prix pour récolter davantage d’argent auprès des touristes, les entreprises risquent d’exclure les habitants qui ont besoin d’un repas chaud quand ils sont en déplacement.
Un système de tarification à deux niveaux pour les touristes est approuvé par 60 % des répondants. Cela amène donc certains analystes à suggérer que les entreprises appliquent un système de tarification « à deux niveaux » qui impliquerait qu’ un bol de ramen qui coûte 1000 yens pour les locaux coûterait 3000 yens pour les visiteurs.
Selon les partisans de ce système, il s’agirait d’une « remise inversée », fonctionnant de la même manière que les remises accordées aux étudiants et aux personnes âgées. Une telle mesure serait bénéfique tant pour les entreprises que pour les travailleurs, car elle permettrait aux entreprises d’augmenter les salaires. Certains estiment également qu’elle pourrait contribuer à lutter contre le surtourisme, un problème de plus en plus répandu dans la région.
Il s’agit là d’une idée qui a déjà été appliquée auparavant. SI certains clubs de golf à Hawaï, par exemple, font payer aux touristes plus du double du prix payé par les habitants, certains temples bouddhistes en Thaïlande font également payer l’entrée aux touristes, alors que les résidents peuvent entrer gratuitement.
Ce concept a du succès. Loyalty Marketing, qui gère le programme de points Ponta, a demandé à 1 200 personnes entre l’adolescence et la soixantaine si un système de tarification à deux niveaux était une bonne idée. Les réponses ont été positives dans plus de 60 % des cas, les chiffres étant assez homogènes d’une tranche d’âge à l’autre. Les jeunes de 20 ans sont les plus nombreux à être d’accord, avec 33 % d’opinions favorables et 32 % d’opinions plutôt favorables. Ceux qui ont entre 30 et 40 ans ont répondu par l’affirmative dans une proportion de 35 %. Seuls les sexagénaires se sont montrés légèrement réticents à l’idée, avec environ 49 % et 32 % de personnes légèrement opposées.
- Les commerçants sont-ils d’accord ?
Cette idée ne semble toutefois pas faire l’unanimité auprès des commerçants. D’après une enquête informelle menée par la chaîne NTV autour d’Ameyoko, un quartier commerçant populaire de Ueno, à Tokyo, seuls cinq sur les 30 magasins interrogés étaient favorables à l’idée d’un système de tarification à deux niveaux. Si certains commerçants pensent que l’augmentation des prix ferait fuir les clients, d’autres ont déclaré qu’ils trouvaient tout simplement cette mesure abusive.
« C’est comme si vous trompiez les gens « , a déclaré l’un d’entre eux. « Nous voulons que les étrangers soient satisfaits de leur expérience », a déclaré un autre.
- Une réduction pour les habitants ?
Dans le cadre d’un tel système, il faudrait apporter la preuve que l’on vit au Japon pour éviter la taxe de séjour, preuve qui est assez facile à fournir, car il suffit que les résidents présentent l’un des documents suivants à savoir leur carte de résidence, leur permis de conduire, voire leur numéro personnel ou leur carte nationale d’assurance maladie. Une autre solution pourrait aussi être celle d’offrir une « réduction aux locaux » au lieu de faire payer un prix élevé aux touristes mais cela nécessiterait de présenter une preuve de résidence à chaque fois que l’on mange au restaurant, ce qui peut s’avérer fastidieux.
Toutefois, le changement ne s’appliquera d’abord qu’aux entreprises situées dans des zones touristiques très fréquentées afin que les résidents qui mangent au restaurant lorsqu’ils sont au travail ou en déplacement ne soient pas impactés. Néanmoins, il est difficile d’imaginer que ce changement ne s’étende pas à l’ensemble du pays une fois qu’il aura pris de l’ampleur dans les lieux touristiques.
On peut aussi envisager de facturer des prix plus élevés de manière uniforme, sans toutefois aller jusqu’à 5500 euros pour un bol de nouilles, par exemple. C’est ce que font certains restaurants locaux comme Ramen Break Beats qui facture 2000 yens soit 13 USD pour l’un de ses bols. Certes, ce prix est élevé par rapport aux normes japonaises habituelles, mais il reste inférieur à ce que vous paieriez dans un magasin de ramen à l’étranger. Et même si c’est plus cher qu’un bol de ramen normal, ce n’est pas hors de portée des Japonais.
Le système à deux niveaux pourrait être bénéfique pour les entreprises japonaises et l’économie du Japon en général. Le tourisme en plein essor ne semble pas près de s’arrêter, et les entreprises devraient profiter de l’occasion tant que les choses restent positives.